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Site du Peintre Lyonnais Jean Scohy 1824_1897
Proposé par les descendants de sa famille, à l'issue de la célébration du bicentenaire du peintre

Version 1.6 du 19 février 2025
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Cette description du village dans laquelle Jean Scohy a passé 40 ans, complète celle qui est présentée sur le site de la commune (voir ci-dessus)
Elle s’appuie sur une étude parue dans la revue Urbanisme en 2004
"En tant que pays, la côtière n’existe plus guère ; elle se fond dans une unité beaucoup plus vaste : la banlieue lyonnaise. Mais, dans ce grand tout, les villages de la côte de Dombes conservent, atténués sans doute, mais toujours présents, leurs caractères ancestraux". Marc Bloch, 1929
Située dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, entre Lyon et Bourg-en-Bresse, Villette-sur-Ain est une charmante commune qui s’égrène le long de la rivière d’Ain et s’étend jusqu’au plateau de la Dombes. La commune compte près de 800 villetois, elle fait partie de la communauté de communes de la Dombes. Le pinceau de Scohy trouverait un paysage complètement transformé non par le phénomène de banlieue dénoncé par Marc Bloch mais par celui de la périurbanisation.
Ce qui a permis à G.Chabot¹, habitant de villette, de décrire ainsi le village en 1953² :« Il est accoté au talus, haut d’une soixantaine de mètres, qui forme cette Côtière : un bourg auprès de la côte et un assez grand nombre de fermes et de hameaux égaillés à travers le plateau de la Dombes. La vallée de l’Ain le sépare des villages du Bugey qui longent le bord du Jura ; elle continue la plaine du Rhône par où arrivent les influences de la ville, Lyon. Les champs d’en bas, sur les terrasses de la vallée, sont faits de terres profondes qui s’égouttent assez bien ; ceux du plateau, sur les argiles glaciaires, sont des terres lourdes, plus pauvres, craignant à la fois la sécheresse qui les crevasse et l’humidité qui les transforme en pâte gluante ; pourtant des placages de loess leur donne, par places, une certaine valeur. »
Villette/Ain, sur la Côtière de Dombes entre Dombes et Bugey
La commune s’étend sur la Côtière de Dombes composée par trois terroirs distincts et complémentaires :
• Le plateau de la Dombes formé par de l’argile englobant de grosses moraines issues des glaciers alpins qui recouvraient la région à l’ère quaternaire. Les terrains sont restés très humides et boisés même s’ils ont été assainis au siècle dernier.
• La Côtière constituée par des terres argileuses a longtemps été un pays viticole. Ces pentes sont investies par des habitations dont l’implantation reste fragile compte tenu des mouvements de terrains.
• La plaine alluviale de l’Ain au fond de laquelle la rivière d’Ain s’écoule au milieu de lônes , bras morts, recouverts par une végétation chétive qui forment les «brotteaux ». Cette plaine est fréquemment inondée et peu aménagée, elle sert de terrain de chasse comme le montre le tableau de Scohy illustrant la chasse au canard.
La complémentarité des terroirs : une opportunité pour le monde agricole
Cette division tripartite du terroir était un atout pour la polyculture vivrière : la plupart des habitants pouvaient ainsi compléter les cultures effectuées sur le plateau par le revenu tiré de quelques hectares de forêts, exploiter quelques petites parcelles de vigne sur la côtière et faire pâturer les troupeaux dans la zone inondable des brotteaux. Ce type d’utilisation agricole avec la mise en valeur de terroirs complémentaires correspondait à une polyculture effectuée par des petits propriétaires ayant des relations de dépendance avec les seigneuries voisines.
Cette opportunité a été saisie par l’abbaye de Nantua (appartenant à la mouvance clunisienne) qui a installé à Villette un prieuré au Xe siècle.
Les campagnes ont beaucoup souffert des guerres de religion et des effets des guerres et les pillages par les armées stationnées à Villette au cours des XVIe et XVIIe et du début du XVIIIe siècle qui sont plutôt des périodes de pauvreté. Les moines du prieuré, dépités par la faiblesse de la dîme songent à se réfugier à Nantua et, en 1610, Louis Dupra, prêtre séculier est nommé pour desservir la paroisse.
La population est réduite de moitié entre 1654 et 1670 et divisée par trois entre 1709 et 1720.
Fig n°1 : évolution du nombre d’habitants de la commune de Villette sur Ain
En revanche, au XIXe siècle la population a été beaucoup plus stable même si les guerres de l’Empire sont sans doute la cause de la baisse enregistrée autour de 1820.
Le Second Empire (fig.1) est marqué par un premier maximum démographique. Cette période marque le début de la prospérité industrielle qui se traduit par l’ouverture de la commune vers les installations industrielles voisines avec les manufactures textiles de Saint-Rambert et de Jujurieux. Cette ouverture est aussi la période du début de la crise agricole qui se manifeste sur la Côtière par la crise du phylloxéra.
A partir des années 1880 jusqu’en 1968, la baisse de la population est continue.
La polyculture vivrière en déclin a pu se maintenir jusqu’à la seconde guerre mondiale tandis que l’attractivité des centres urbains et industriels voisins se faisaient sentir. Seules les grandes exploitations agricoles du plateau ont pu bénéficier du plan Marshall et de la modernisation de l’agriculture tandis que les petites exploitations traditionnelles disparaissent progressivement. En 1970, on dénombrait 50 exploitations agricoles alors qu’actuellement seules 3 exploitations persistent. La déprise agricole s’est traduite par une extension des grandes exploitations situées hors de la commune. Le déclin de l’agriculture libère des terrains et des bâtiments qui profitent aux anciens agriculteurs et à leurs familles. C’est le grand mouvement de l’exode rural.
« Les maisons se sont multipliées en s’accrochant sur les parcelles délaissées par la vigne »
Mais à partir de 1970, Villette entre dans le grand mouvement de la périurbanisation. Le poids de l’agglomération lyonnaise, la déprise agricole et la démocratisation de la voiture imposent une véritable mutation territoriale. La commune de Villette devient le « territoire de l’automobile ».
Située à l’écart des grands axes de communication (train à Ambérieu, autoroute dans la plaine de l’Ain…), l’urbanisation a été moins rapide que dans des communes mieux desservies. Les maisons se sont multipliées en s’accrochant sur les parcelles délaissées par la vigne, la côtière, en dépit des risques de glissement de terrain présente un site tout à fait recherché par la vue qu’elle procure sur la vallée et sur le Revermont tandis que le plateau de la Dombes offre des opportunités pour la vie en symbiose avec la nature : chasse, pêche, cueillette etc…
Le village vu d’avion et l’émergence de lotissements
C’est effectivement la généralisation de la voiture individuelle qui a permis d’effacer l’handicap constitué par l’écart de la commune par rapport aux axes de communication et la déprise agricole a aiguisé la convoitise des aménageurs qui ont pu installer plusieurs lotissements attirés par la proximité de la rivière : « les rivages de l’Ain ».
Le pavillon reste la forme la plus appréciée de la vie à la campagne, le jardin est l’objet de beaucoup d’attention, il constitue une pièce supplémentaire du logement tandis que l’habitat se rénove progressivement selon la disponibilité des sources d’énergie.
Actuellement, l’urbanisation est très contrainte, les espaces agricoles sont préservés et les urbanistes, à travers les plans d’aménagement préconisent la densification.
Les activités agricoles ont pratiquement disparu au profit de « l’économie résidentielle » qui constitue, dans cette région, un certain processus de développement et d’enrichissement.
Même les brotteaux ont subi une mutation radicale. Contrairement à l’image des brotteaux qui figure sur les tableaux de Scohy, le village s’est détourné de la rivière. Actuellement, seuls les pêcheurs et chasseurs s’aventurent sur ces espaces devenus difficiles d’accès et propice au lagunage pour la gestion des eaux usées de la commune. Le ruban vert formé par le lit de la rivière est actuellement complètement boisé comme le montre la photo aérienne. Le SAGE de la basse vallée de l’Ain et la procédure Natura 2000 ont à cœur de protéger ces espaces et la dynamique naturelle de la rivière.
Ces transformations du paysage sont le signe d’une véritable mutation de la population gagnée par le genre de vie urbain qui s’est propagé vers la campagne. Le village s’urbanise dans différents aspects : tout à l’égout, collecte des ordures, réseaux divers….
Les vieilles familles originaires du village sont très minoritaires ; les prix abordables des offres de lotissements attirent des jeunes ménages dont les enfants insufflent un dynamisme à l’école qui compte quatre classes et offre cantine et garderie…Mais la stabilité démographique des siècles passés a disparu, la population, très diverse, garde une certaine mobilité résidentielle car la vie, rythmée par les mouvements pendulaires et la dépendance à la voiture n’est pas toujours facile.
Les emplois se situent à Lyon (50 Km), à Bourg en Bresse (30 Km) mais surtout dans le réseau d’entreprises assez dense de la plaine de l’Ain. Néanmoins, la plupart des lieux de travail et de commerce sont à l’extérieur de la commune qui n’offre que certaines possibilités de loisirs (randonnées, golf, équitation…).
A l’image de l’ensemble des communes de France, le territoire vécu par les habitants est totalement découplé du terroir inscrit dans le périmètre administratif de la commune. Le territoire est revisité à travers ses réseaux qui lui permettent de pulvériser sa dimension géographique.
La commune est confrontée aux interrogations actuelles sur le périurbain
Le changement climatique et l’impératif de décarbonation touchent de plein fouet ces territoires fragilisés par une population qui n’a pas toujours les moyens de s’adapter aux nouvelles technologies.
La dépendance à l’automobile jette le discrédit sur ces territoires dits périphériques.
Conclusion
La commune aura à satisfaire aux deux types d’enjeu : l’enjeu « dombiste » devra réfléchir à une meilleure gestion des espaces de loisirs dans une perspective de déprise agricole du plateau, l’enjeu « bugiste » devra réfléchir aux inflexions à donner à l’urbanisation afin de ne pas alourdir les charges de la commune en matière de services et garder une certaine cohérence de la population à travers une diversification sociale enrichissante.
La connaissance du patrimoine est un élément fort de la cohésion sociale d’un village dont les habitants ont plaisir à se retrouver dans des lieux chargés de mémoire comme la place de l’église ou autour des peintures de Jean Scohy qui ennoblissent le passé de Villette aussi bien en direct qu’à travers ce site.





Remarque : une version longue de cette présentation "histoire et patrimoine" de Villette est disponible en version pdf.
Références & Notes
1- Roussel I., F.X., 2004, Villette-sur-Ain, territoire intermédiaire, revue « Urbanisme » n°338 p.64-66
2- Lônes : bras morts de la rivière encore utilisés au moment des hautes eaux, qui sont considérées comme des réserves de biodiversité avec de nombreuses espèces végétales et animales. Le SAGE de la basse vallée de l’Ain et la procédure Natura 2000 ont à cœur de protéger ces espaces
3- Chabot G. Les migrations intérieures de population provoquées par les mariages : l’exemple de Villette-sur-Ain depuis trois siècles, in Mélanges géographiques offerts à Philippe Arbos, 1953
4- CERTU 2001 Les temps de la ville et les modes de vie 300 p.
5- C’est cette peur qui explique l’importance du vote « front national » en l’absence de délocalisation industrielle ou d’immigrés.
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